G.2 Le réinvestissement des collections par l'artiste à l’ère de la remise en question des disciplines et des identités, partie 1


G.2 Artists' Reinvestment in Collections in an Era of Questioning of Disciplines and Identities, Part 1

sam 23 oct / Sat Oct 23 / 9:00 – 10:30 PDT
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  • Geneviève Chevalier, Université Laval
  • Mélanie Boucher, Université du Québec en Outaouais

Cette séance s'intéresse à l'utilisation que font les artistes des collections. Par collection, nous entendons « […] un ensemble d'objets matériels ou immatériels […] qu'un établissement a pris soin de rassembler, de sélectionner, de classer, de conserver dans un contexte sécurisé […] » (Desvallées et al., 2011). La place tenue par ces collections dans l'œuvre à une époque où les musées les réinvestissent en diversifiant leurs usages est appelée à changer. À l’ère de la remise en question des disciplines et des identités, pourquoi les artistes se tournent-ils.elles vers ces ressources pérennisées et de proximité ? Ces collections pourraient-elles tenir un rôle inédit dans le processus de création ? Et pourquoi même les inclure dans une démarche artistique ? L'aspect extra-artistique de certaines collections — comme celles d'ouvrages scientifiques et d'archives — exerce-t-il un attrait particulier ? Les arts médiatiques, numériques et performatifs constituent-ils des champs de pratique privilégiés par les artistes pour mener leur exploration ?


This session focuses on the use that artists make of collections in contemporary art. By collection, we mean "[…] a set of material or immaterial objects […] that an institution has taken care to collect, select, classify, conserve in a secure context […]" (Desvallées et al., 2011). At a time when museums are reinvesting in collections by diversifying their uses, the space they occupy in works of art is undoubtedly set to change. In an era of questioning of disciplines and identities, why do artists turn to these perennial and local resources? Could collections play a new role in the creative process? And why even include them in an artistic approach? Is the extra-artistic aspect of certain collections ― such as scientific and archival collections ― particularly attractive? Are media, digital and performance arts propitious fields of practice for artists to pursue their exploration?

ouvrages cités: Desvallées André, Bergeron, Y., & Mairesse, F. (2011). Dictionnaire encyclopédique de muséologie. A. Colin.

Geneviève Chevalier est professeure à l'École d'art de l'Université Laval, artiste en arts visuels et médiatiques et commissaire indépendante. Elle est titulaire d'un doctorat en études et pratiques des arts (CRSH 2010) de l'Université du Québec à Montréal et a réalisé un stage postdoctoral (FRQSC 2014) sur la question des interventions d'artistes dans les collections muséales avec le groupe CIÉCO. Son travail artistique prend la forme d'installations photographiques et vidéographiques et s'intéresse au champ de l'histoire naturelle en abordant l'enjeu de la perte de biodiversité à l'ère des changements climatiques (FRQSC 2020). Elle a été artiste en résidence au studio du Québec à Londres en 2020, au centre Sporobole en 2018, au Centre for Contemporary Arts de Glasgow en 2017. En 2021, son travail est présenté à Dazibao. Elle est également l'artiste en résidence du ArtLab de la Galerie d'art Foreman de l'Université Bishop's et commissaire invitée à la Fondation Grantham pour l'art et l'environnement.

Mélanie Boucher est professeure agrégée en muséologie et en histoire de l'art à l'UQO. Elle a développé une expertise sur les enjeux performatifs, notamment dans le cadre d'une thèse de doctorat dont une version remaniée a été publiée en 2014 aux Éditions d'art le Sabord sous le titre La nourriture en art performatif : son usage de la première moitié du 20e siècle à aujourd'hui, puis de recherches orientées vers le tableau vivant (FIRC, FRQSC 2014, CRSH 2016) et les mises en scène corporelles dans les expositions (CRSH 2018, 2021). Depuis 2014, à titre de cochercheure du groupe CIÉCO (CRSH 2014), elle a cherché à mieux comprendre l'apport de l'artiste contemporain au sein des collections et des musées. Avant de se consacrer à la recherche et l'enseignement, Mélanie Boucher a obtenu une reconnaissance en tant que commissaire d'exposition ainsi qu'une solide expertise dans la pratique de la muséologie de la diffusion de l'art.

G.2.1 « Credebam leonardum dicaprio fuisse hominem qui monam lisam pinxit »

Steve Giasson, Artiste conceptuel, chercheur indépendant

En 2011 et en 2014, l'artiste conceptuel québécois Steve Giasson a conçu trois œuvres in situ dans le cadre du « Text Festival », commissarié par Tony Trehy et présenté au Bury Art Museum et au Fusilier Museum (Manchester, Royaume-Uni).

La première s'intitule « 246 ». Il s'agit d'un poème / mémorial imprimé en lettres de vinyle sur carton et installé parmi d'autres mémoriaux dans le Fusilier Museum de Manchester. La seconde se nomme « 0:40 minutes ». Elle est constituée d'une installation en vinyle autocollant disposée à même le sol, prenant la forme d'une échelle temporelle, telle qu'on peut en voir dans certains aéroports, indiquant précisément, à chaque intervalle de 5 secondes, le temps nécessaire pour traverser la collection permanente du Bury Art Museum. La troisième a pour titre « Locutio ». Elle est formée de onze phrases trouvées sur les réseaux sociaux par l'artiste, telles que « I used to think that Leonardo DiCaprio was the guy who painted the Mona Lisa », puis traduites en latin et disposées de manière à entrer en dialogue avec les pièces de la collection permanente de ce même musée.

Dans le cadre de cette présentation, nous verrons comment ces trois œuvres conceptuelles, en s'insérant de manière à la fois critique et humoristique dans les collections permanentes de ces institutions (qu'elles ont intégrées depuis), remettent notamment en question le regard que l'on peut porter sur elles et sur notre place en tant que visiteur et visiteuse.

Steve Giasson (1979, Québec) est un artiste conceptuel. Sa pratique engagée et pince-sans-rire s'appuie sur des œuvres préexistantes, des fragments historiques ou quotidiens, qu'il s'approprie de différentes façons, afin de mettre à mal les notions romantiques d'authenticité et d'originalité et de démystifier le processus créateur et la figure de l'artiste. Ses œuvres se caractérisent, de plus, par une grande économie de moyens et par leur recours à différents médiums (écriture conceptuelle, art performance, micro-intervention sculpturale, photographie, vidéo…). Il a complété un doctorat en Études et pratiques des arts à l’Université du Québec à Montréal. Son travail a été présenté dans quatorze pays d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie, dans le cadre de plus d'une dizaine expositions personnelles et de nombreuses expositions collectives. Il vit et travaille à Montréal et est représenté par la Edmund Felson Gallery (Berlin).

Manon de Pauw, vue de l’exposition Actes de présence présentée au Musée d’art contemporain de Montréal du 4 novembre 2010 au 27 mars 2011. Commissaire : Manon De Pauw. Photo : Richard-Max Tremblay.

G.2.2 Artiste-commissaire, un retour réflexif sur l'exposition « Actes de présence »

Manon De Pauw, Université du Québec à Montréal

Lors de cette communication, Manon De Pauw proposera un retour réflexif sur l'exposition « Actes de presence », présentée en 2010 dans le cadre la série « Point de vue sur la collection » au Musée d'art contemporain de Montréal. Elle se penchera plus spécifiquement sur l'arrimage entre sa pratique et son rôle de commissaire invitée. Comment faire résonner dans la durée un art éphémère, un art de la présence ici et maintenant ? En tant qu'artistes, quels sont les gestes spécifiques qui tissent le processus créatif ? Comment ceux-ci sont-ils liés à la pensée et aux discours qui sous-tendent la démarche ? Voilà les questions qui habitaient l'artiste-commissaire en concevant cette exposition à partir des œuvres de la collection permanente du musée.

Manon De Pauw est artiste et professeure à l'École des arts visuels et médiatiques de l'UQAM. Elle est membre fondatrice du Labo lumière [créations + recherches interdisciplinaires]. Ses créations prennent la forme de photographies, de vidéos, d'installations, de performances et d'art public. Elle a présenté des expositions individuelles entre autres à la Galerie de l'UQAM, au Musée régional de Rimouski et au Centre culturel canadien à Paris. On retrouve ses œuvres dans des collections majeures telles que le Musée d'art contemporain de Montréal, le Musée national des beaux-arts du Québec, Hydro-Québec et Desjardins. Elle a performé à l'Usine C, au Théâtre La Chapelle, à l'Agora de la danse, au Gesú et lors de tournées au Canada, en Europe et en Amérique latine avec ses collaborateurs. Parmi ceux-ci figurent Pierre-Marc Ouellette, son complice en création depuis plus de dix ans, la chorégraphe Danièle Desnoyers, les musiciens Joane Hétu, André Pappathomas, Nicolas Bernier et Philippe B et le metteur en scène Denis Lavalou.

Caroline Boileau, Corps qui hantent d’autres corps, 2018–19. Programme d’artiste en résidence Michele Larose—Bibliothèque Osler d’histoire de la médecine, Université McGill.

G.2.3 « Corps qui hantent d'autres corps »

Caroline Boileau, Artiste en arts visuels, chercheuse indépendante

Présentation et discussion autour du projet « Corps qui hantent d'autres corps », réalisé dans le cadre du Programme d'artiste en résidence Michele Larose – Bibliothèque Osler à l'Université McGill en 2018 et suivi par une exposition dans le Rare Books and Special Collections de la Bibliothèque McLennan en 2019. Lors de cette résidence d'artiste, Caroline Boileau s’est intéressée aux représentations du corps des femmes dans différents ouvrages médicaux d'Europe et d'Asie datant du 15e au 19e siècles. L'exposition marquant la fin du projet de résidence risquait la juxtaposition de livres, dessins et objets anciens et contemporains.

Depuis vingt ans, Boileau développe des projets de résidence dans des lieux et des contextes non-dédies à l'art : hôpitaux ; bibliothèques spécialisées, généralistes et de quartier ; laboratoires de biologie ; musées d'histoire et d'histoire naturelle. Ces contextes de travail forcent l’artiste à s'adapter à des contraintes logistiques, éthiques et relationnelles qui forment et transforment les projets. Ces contextes, les gens qui y gravitent, les collections et objets qu'ils abritent, deviennent des matériaux qui la forcent à remettre en question ses propres façons de faire tout en explorant différentes stratégies de travail, dispositifs visuels et formes plastiques.

Ces projets se construisent par un processus lent et contextuel, en dialogue avec les différentes personnes en présence. Boileau débute avec le souci d'habiter le lieu où elle se trouve : comment y passer le plus de temps possible ? Qui sont les personnes qui utilisent ce lieu ? Quels sont les langages corporels, verbaux et non-verbaux ? Avec quels outils y travaille-t-on ? Comment rencontrer ces personnes véritablement ? Comment travailler avec elles sans les instrumentaliser par son travail d'artiste ? Comment transformer les objets, images, et « choses » trouvées en œuvres contemporaines ? Quelles formes plastiques donner à cette recherche ? Dans quel but ? Pour les partager avec qui ? L’artiste essaie de travailler avec ce qui est là et non avec ce qu’elle pense y trouver.

Travaillant à partir d'une position féministe, avec un intérêt marqué pour la santé – intime, publique, sociale et politique – Caroline Boileau crée des œuvres, souvent hybrides, qui s'élaborent par une pratique multidisciplinaire à travers l'installation, le dessin, la vidéo et la performance. Le corps hybride, les multiples représentations du corps – et celui de la femme en particulier – est un thème récurrent dans sa recherche, inspirée par l'histoire de l'art, l'histoire de la médecine, des sciences et aussi de l'actualité. Par un travail en dialogue avec des lieux, des collections, des objets, des œuvres, des communautés et des gens, son travail tend à révéler des cohabitations improbables en proposant la transformation, à la fois poétique et politique, d'un espace partagé. Depuis 1995, elle a participé à de nombreuses résidences au Canada et en Europe. Son travail a été présenté lors d'expositions au Canada, aux États-Unis, au Brésil, en Belgique, en Espagne, en Autriche, en Finlande, en Norvège et en Suède. Son travail en vidéo est diffusé par le GIV [Groupe intervention vidéo] à Montréal.

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