K.1 Dialogue entre corps genrés et corps dégenrés

Fri Nov 4 / 10:40 – 12:10 EDT
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  • Jessica Ragazzini, Université du Québec en Outaouais/Université Paris Nanterre

Depuis au moins l’Antiquité, la représentation du corps cisgenre est traitée différemment qu’il s’agisse d’un corps masculin ou d’un corps féminin. La pratique contemporaine tente de redéfinir ces stéréotypes à l’image d’une société et d’un art moins stéréotypé, en réinvestissant les images du passé pour en déjouer les conventions.

En promouvant les approches transdisciplinaires et transhistoriques, cette table-ronde propose d’analyser à la fois sur les images genrées, celle de la femme agissant comme être de fantasme (ex : les artistes surréalistes) ; celle de l’homme généralement appréciée pour l’impression de force qu’elle dégage (ex : les artistes futuristes) et les œuvres qui produisent des réflexions au-delà des conventions, pour la promotion de représentations fluides entre les genres et les sexes (ex : Yasumasa Morimura). L’objectif de cette table-ronde sera ainsi de mettre en lumière les similarités et les divergences que produit la représentation du genre et du non-genré.

mots clés : genre, non-genré, figuration, corps, stéréotype

K.1.1 Décomposition et recomposition du corps de l’aviatrice à l’écran: une analyse des corps genrés dans les films d’actualités des années 1930 en France

  • Louise Francezon, University of Amsterdam

La présence de nombreuses aviatrices sur la scène aéronautique en France défraye la chronique. La presse filmée, particulièrement populaire dans l’Hexagone des années 1930, se saisit de ce sujet à l’apparence « exceptionnel » tant les femmes sont habituellement peu nombreuses dans le monde de l’aviation. À la frontière du masculin, ces femmes posent sans surprise des questions de genre dans leur (re)présentation. Dans une perspective performative, mon travail s’intéresse au travail de la caméra qui (re)produit le corps de ces aviatrices. Mon analyse de la production filmique de Gaumont et Pathé dans les années 1930 s’attache à comprendre comment les films d’actualités dégenrent les femmes à partir de techniques cinématiques définies. La caméra façonne effectivement le corps de la pilote, le (ré)habille et le (dé)compose par des mises en scène répétitives que nous détaillerons. En conséquence, le corps des aviatrices devient élastique, malléable et fluide. De ces multiples reconfigurations, la pilote devient un archétype de la femme moderne qui défie les identités de genre : hybride et dégenrée, elle devient une figure divine, angélique et parfois même technologique. La production de ce stéréotype de l’aviatrice s’inscrit alors dans un concept historique particulier, marqué par l’anxiété des français sur de possibles bouleversements des rôles sexués. La représentation du non-genré chez ces femmes est alors ancrée dans deux temporalités : elle est à la fois le produit de la période dans laquelle elle s’inscrit – la modernité – tout en faisant écho à des images plus largement répandues quand il s’agit de représenter le non-genré. Cette recherche est aussi une occasion de montrer comment les films d’actualités produisent également des corps au-delà des conventions. Ainsi, cette proposition invite à dépasser l’opposition entre les médias jugés « artistiques » et ceux jugés plus « populaires » (à l’image de la presse filmé) et encourage leur confrontation.

mots clés : genre, corps, France, visual studies

Louise Francezon: Diplômée d’un master d’Histoire de l’école doctorale de Sciences Po et d’un master en Media Studies, parcours Visual and Film Studies à l’Université d’Amsterdam, je m’engage en septembre sur un doctorat à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne dans une perspective interdisciplinaire en combinant étude photographique et histoire du genre.

K.1.2 Art, corps et non-binarité de genre

  • Quentin Petit Dit Duhal, Université Paris Nanterre

Cette intervention propose de partager les recherches de la thèse soutenue il y a peu en histoire de l’art, visant à analyser la manière dont tout un corpus d’artistes de la fin des années 1960 jusqu’à nos jours élaborent une identité de genre échappant à la binarité féminin-masculin.

Les recherches menées dans le cadre de cette thèse supposent que les pratiques corporelles non binaires issues du champ social peuvent être observables dans le champ de l’art à travers le travail de transformation de soi, qui constitue un moyen pour des artistes d’occuper une place qu’ils et elles ne sont pas censé·e·s occuper. Les discours médicaux, légaux et surtout militants sur la non binarité de genre semblent ainsi liés à l’émergence d’une politique visuelle, correspondant principalement au milieu queer, mais qu’il est possible de remonter à la pratique artistique féministe de la fin des années 1960, explicitant, par les corps, l’idée que le privé est politique. En effet, au lendemain de la seconde guerre mondiale, des artistes femmes et/ou homosexuel·le·s s’emparent de la question du genre sur le mode de l’incorporation par la pratique de la performance. Travaillant sur leurs propres corps rendus inassignables à la binarité féminin-masculin, leur art tend à les émanciper du contrôle médical et légal. L’œuvre deviendrait alors le support formel et conceptuel d’une expérience de vie, l’entrecroisement du discours engagé et du discours artistique rendant perméables les frontières entre le corps réel, vécu, et le corps fictionnel.

L’hypothèse de travail engagée ici consiste à démontrer que la subversion des identités de genre réside au cœur même de la création, se recoupant avec le bouleversement des pratiques artistiques dans la seconde moitié du XXe siècle, comme le renouvellement des médiums traditionnels par le corps et les nouvelles technologies, ainsi que l’insubordination à une esthétique ou un style précis. La non binarité de genre manifesterait alors l’hybridité et le caractère mouvant des positions esthétiques des artistes : de nouvelles formes plastiques s’incarnent en de nouveaux corps politiques. La réinterprétation des figures non binaires historiques – comme l’androgyne platonicien ou l’Hermaphrodite ovidien – et l’élaboration de nouvelles figures hybrides – cyborgs ou mutants – constitueraient une réponse au trouble des genres produit par l’évolution scientifique avec les nouvelles technologies hormonales, chirurgicales et procréatives, ainsi qu’à l’obsolescence des structures psychiatriques contemporaines.

mots clés : corps, sexe, genre, non-binarité, genderqueer

Quentin Petit Dit Duhal est docteur en histoire de l’art et a soutenu sa thèse sur les représentations d’une identité de genre non binaire sous la direction de Thierry Dufrêne à l’Université Paris-Nanterre (HAR), et en codirection internationale avec Thérèse St-Gelais de l’Institut de Recherches et d’Études Féministes de l’Université du Québec à Montréal. Il est également ATER à l’Université Paris Nanterre. Auteur d’articles dans des revues scientifiques (Savoirs en Prisme, ArtItalies, Sculptures, Astasa, exPosition) et cofondateur de l’ARQ (Arts et Représentations Queers), collectif de recherche sur l’histoire des arts féministes et queers, il s’intéresse aux questions liées aux gender studies, aux queer studies, au posthumain et de manière plus générale à l’art engagé à partir de la seconde moitié du XXe siècle.

K.1.3 Female body cut in film: Methodology and Distancing

  • Sara Calvete Lorenzo, Universidade de Santiago de Compostela

The main object of study in this research is the cutting of the female body in cinema. In order to simplify and rationalise such a broad and diffuse concept, it is necessary to redesign a methodology of analysis valid for the object of study at hand, which will be called the Triple Cut. This will advance self-referentially, as if it were Russian dolls or a funnel, from the most generic to the concrete: Cut of the real itself, passing through the cut of the shot (or between shots) or the absence of the same, until arriving at the cut of the flesh itself. This is where the bodies end up being dismembered live in front of the camera's lens, pouncing like pieces of meat on the -willing or unwilling - audience. The first is the Cut of the Real, or how cinema segments and modifies reality, as it cannot represent a whole. This arises from the limitation of the medium itself, and in these mechanisms of deceptive processes relegates parts of it to disappearance or waiting, that is to say, to the out-of-field.

The second of the cuts is based on the analysis of the minimum unit of filming: the Shot Cut, or the absence of it. Studying the violence that the film editing itself generates on the female bodies through the violence of the fragments. When we finally allow the audience to see the severely cut body on the field, we are facing the cut of the flesh In more explicit films, it is necessary to generate distancing mechanisms to part this audience from the violence of the images. Three are identified: sentimental distancing, which is the most common; hyperbole, in sub genres such as gore; and the surgical, or the use of the medical and the clinic imaginary as distancing in horror. In conclusion, the objectives of this study are to establish a theoretical framework for a new methodology of analysis in the treatment of the female body in film, in particular, the multiple ways of cutting it up, through a significant analysis of the selected film sample.

keywords: cut, body, female, cinema

Sara Calvete Lorenzo: Born in A Coruña and passionate about cinema and the sea. Degree in Audiovisual Communication between the University of Vigo and the Pompeu Fabra University (Barcelona), Master in Communication and Creative Industries at the University of Santiago de Compostela and Master in Film Editing at the School of Cinematography and Audiovisuals of Catalonia (ESCAC).

Currently, she is a PhD student in Communication at the USC researching the typologies of cuts on the female body in cinema. She also works as Scientific Communicator at CITEEC (Center for Technological Innovation in Building and Civil Engineering of the University of A Coruña). As a filmmaker, she is the director of the short film Cafeína (co-direction, co-screenplay and co-editing), with multiple selections at cinema festivals and winner of six international awards.

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