A.2 Nouvelles perspectives en histoire de l’art à l’heure de la décolonisation des savoirs, Partie 1


A.2 Decolonizing Knowledge: New Perspectives in Art History, Part 1

Thu Oct 15 / 9:00 – 10:30
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  • Monia Abdallah, Université du Québec à Montréal
  • Hend Ben Salah, Université du Québec à Montréal

L’écriture de l’histoire de l’art connaît aujourd’hui plusieurs bouleversements épistémologiques qui requièrent l’introduction de nouvelles méthodologies, inspires notamment par les études postcoloniales. La remise en question des discours normatifs ainsi que les problématiques liées aux questions d’invisibilisation des artistes racisés, touchent à la fois la discipline de l’histoire de l’art ainsi que les pratiques artistiques, la muséologie et la muséographie. Comment s’articulent, dans un contexte de sociétés multiculturelles, ces Nouvelles préoccupations qui impliquent un changement dans l’écriture de l’histoire de l’art ? Quelles formes prennent les nouvelles représentations identitaires à l’heure de la décolonisation des savoirs?

Ce panel invite les professionnels du monde de l’art ainsi que les chercheurs à proposer des communications sur les thématiques suivantes: question d’inclusivité ; identité et représentation ; appropriation culturelle ; recartographie (remapping) de l’histoire de l’art ; histoire de l’art locale ; néo-orientalisme ; nouveaux exotismes ; décolonisation des savoirs ; décolonisation des musées ; analyse en réseaux dans les pays du sud.


The writing of art history is undergoing today several epistemological upheavals that require the introduction of new methodologies, inspired by postcolonial studies. The questioning of normative discourses and the issues related to the invisibility of racialized artists affect the discipline of art history as well as artistic practices, museology and museography. How are these new concerns articulated in the context of multicultural societies? What forms do new representations of identity take at a time of decolonization of knowledge?

This panel invites art professionals and researchers to submit papers on the following themes: inclusiveness; identity and representation; cultural appropriation; remapping of art history; local art history; neo orientalism; new exotism; decolonization of knowledge; decolonization of museums; network analysis of the global south.

Monia Abdallah est professeure en approches culturelles des arts visuels au département d’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Ses recherches portent sur les pratiques artistiques contemporaines dites du Moyen-Orient ainsi que sur l’histoire des modernismes artistiques en-dehors de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Ses plus récentes publications s’intéressent aux discours qui lient Art, Islam et Modernité, et plus spécifiquement sur la notion d’art islamique contemporain qui fut l’objet de sa thèse de doctorat soutenue à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris) sous le titre Construire le progrès continu du passé. Enquête sur la notion d’art islamique contemporain. Avant de rejoindre l’UQÀM, elle a effectué un postdoctorat à University of Toronto (bourse postdoctoale du CRSH) et a été boursière postdoctorale de la Andrew W Mellon Foundation au Courtauld Institute of Art (Londres) où elle a enseigné le premier cours sur l’art contemporain du Moyen-Orient.

Hend Ben Salah est actuellement candidate au doctorat en histoire de l’art à l’UQAM. Elle a d’abord été diplômée de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunis (baccalauréat et maitrise en Art visuels), et de l’université Paris 8 (baccalauréat en psychologie à distance), avant de se diriger vers la recherche en histoire de l’art. Ses recherches portent sur la réception en Occident d'œuvres d'artistes contemporains que l'on qualifie d'artistes « arabes », originaires de la zone MENA, et de l’impact que cette qualification pourrait avoir sur leur intégration dans les circuits de l’art contemporain. Elle s’intéresse aussi à la construction des imaginaires et aux représentations identitaires dans les œuvres d’artistes extra-européens.

A.2.1 Islam et art contemporain dans les instituts culturels français: une ‘islamania’ néo-orientaliste? Etudes de cas de deux mises en exposition de l’islam

Clara Turpin, Université du Québec à Montréal

Depuis une dizaine d’années, une nouvelle typologie d’exposition est apparue sur la scène culturelle française. La thématique de l’islam est centrale et est présentée en regard d’oeuvres d’art contemporain. C’est l’exposition Musulmane, Musulmans, au Caire, à Téhéran, Paris, Istanbul, Dakar (Paris, La Villette, 2004) qui en a été l’événement séminal. Par la suite, tout une série d’expositions de cette envergure a vu le jour en France dans des instituts culturels spécifiques : à l’Institut des Cultures d’Islam (Paris, 2010), puis à l’Institut du Monde Arabe (Paris, 2014). Par une « rhétorique de l’islam », les artistes exposés sont bien souvent associés à des discours de l’ordre de l’identité culturelle, cultuelle, ethnique, alors que cette appartenance est rarement affirmée. Cette « islamania » définit les contours d’une lecture occidentale qui serait systématiquement orientée selon le prisme de l’islam, gageant une lecture monolithique de productions artistiques prétendument rattachées aux pays arabes ou encore à la religion musulmane. En partant du postulat que l’exposition d’art contemporain est un dispositif idéologique et discursif (Glicenstein, 2009), l’analyse comparée de deux expositions, Hajj : le pèlerinage à la Mecque (IMA, Paris, 2014) et Rock the Kasbah (ICI, Paris, 2017), présentera une étude de cas de cette « islamania » contemporaine. Par une méthodologie muséologique mise en perspective avec le vocabulaire des études postcoloniales, il s’agira d’analyser les enjeux de l’émergence de cette « islamania » contemporaine, afin de déterminer dans quelle mesure elle consiste en un « néo-orientalisme ». Pour ce faire, la théorisation du concept « islamania » sera discutée en regard du paradigme historique de l’orientalisme discursif d’Edward Said (Said, 1978).

Clara Turpin: Actuellement étudiante en doctorat en histoire de l’art à l’UQÀM, j’ai été diplômée d’un baccalauréat en médiation culturelle, en spécialité muséologie (Sorbonne Nouvelle, Paris) et d’une maîtrise en histoire de l’art (UQÀM, Montréal). Mes recherches portent sur une socio-histoire de l’« islamania » muséale française. Je m’intéresse aux raisons et enjeux entourant l’émergence d’expositions mettant en parallèle islam et art contemporain dans le contexte post-colonial français. Dans un contexte politique français marqué par la question d’un « problème musulman », le traitement institutionnel de l’islam est le support d’une réflexion sur le rôle imparti à l’art dans la gestion publique de l’islam, notamment dans sa participation à la construction d’un « islam de France ». Mes intérêts de recherche portent également sur les représentations et imaginaires associés aux pratiques artistiques en lien aux cultures d’islam et à l’Islam, ouvrant plus largement à une réflexion sur l’orientalisme contemporain.

A.2.2 Neo-orientalization of Muslim Brown Bodies within Transnational Art Praxis Post 9/11 and the Need to Evolve past the White Interlocutor

Kanwal Syed, Concordia University

A significant visual aspect of the U.S. “War on Terror” has been the U.S. media’s obsession with veiled Muslim bodies as a symbol of the inherently oppressive nature of Islam. Images taken in specific Taliban-dominated regions have served to create a homogenized, religiously oppressed, Muslim gendered subjectivity. Islamophobia and the hypervisibility of these invisible bodies has elicited debate around diasporic Muslim women and their apparel choices. The veil law in France (2004) and Bill 21 in Quebec (2018) are two examples. This neo-Orientalist focus on brown, gendered, Muslim bodies has also sparked academic and artistic inquires. In hopes of creating an understanding between Western and Islamic worlds, numerous art exhibitions have been held around the veil and veiling as an essentialized Muslim practice. Ironically, the sudden proliferation of burqa images, created and exhibited internationally by Pakistan’s contemporary artists to counter this metanarrative, has perpetuated it to an extent.

Postcolonial theorist Hamid Dabashi argued in Post-Orientalism that post-globalization “the West should cease to exist as a universal interlocutor.” Using that concept, this paper proposes an urgent need to document new modes of defiant representation in art that destabilize dominant narratives. The paper looks at the works of selected Pakistani female artists who are creating a separate trajectory. These artists locate heterogenous, urban, gendered subjectivities through rhizomatic pop/cultural (material and symbolic) signifiers—not as symbols of a nationalist or religious identity, but as a strategic feminist resistance. These artists use regional cultural fluidity as a metaphor for the more fluid, ambivalent, and evolving urban gendered lives experienced by Pakistani women compared to the representations perpetuated by popular Western media. The paper argues that these artists, by refusing to directly engage with the White interlocutor, are creating nuanced and complex representations of brown female bodies and laying down the foundation of an alternative art histories.

Kanwal Syed completed her under-graduation as a studio-artist, with major in sculpture from National College of Arts, Pakistan. In 2012, she completed her M.A in Art History from University Sains Malaysia, entitled Caught in The Middle: Socio-Political Imageries in Contemporary Art in Pakistan Post 9/11 (2001-13). She is currently a PhD candidate and part-time faculty at the Department of Art History at Concordia University, Montreal. She has presented at numerous national and international conferences and has authored two publications in peer reviewed international journals. She has been the recipient of Full Tuition Recruitment Award – FOFA (2016), Concordia Merit Scholarship (2015-17) the prestigious Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) 2018-19. Her research focuses on the works by seven contemporary Pakistani women artists, produced between 2001 and 2018 in relation to transnational as well as regional politics of gender representations in the post 9/11 and War on Terror Pakistan.

A.2.3 La longue route décoloniale des musées français: Une méthodologie pour mesurer le racisme institutionnel, l’exemple du Jeu de Paume

Louis Boulet, UQAM/Figura et Université de Tours/InTRu

Si les événements actuels semblent avoir diffusé les luttes antiracistes à travers le globe, elles s’inscrivent dans un contexte particulier en France, qui a notamment provoqué une large prise de retard des milieux artistiques français par rapport aux autres pays occidentaux, en particulier anglo-saxons. On se proposera donc ici de revenir sur les spécificités du contexte français, lié à une tradition universaliste qui prête encore aux mouvements antiracistes contemporains des intentions racistes et au sein duquel les institutions artistiques peinent encore à se considérer comme partie prenante de leur époque. Au contraire d’une supposée immunité aux problèmes sociétaux d’une époque, nous montrerons que le champ artistique est le reflet des problèmes qui lui sont contemporains tout autant qu’il en est l’acteur. Il nous faudra alors développer une méthodologie nouvelle, tant la recherche sur les personnes racisées est gênée, en France, par les a priori et les craintes légales. En effet, les statistiques ethniques sont, en France, réputées illégales ; nous montrerons que cela n’est pas le cas, et présenterons un protocole de recherche qui permet de mesurer avec précision le racisme institutionnel artistique actuel. Nous prendrons alors pour exemple le Jeu de Paume, institution majeure pour les expositions de photographies en France, pour montrer comment l’absence d’outils pour mesurer les inégalités ne peut conduire qu’à l’aggravation des injustices. Ce cas est d’autant plus intéressant que l’institution a revendiqué, pendant plusieurs années, un fort engagement féministe ; nous nous interrogerons alors sur l’intérêt des croisements des outils féministes avec la cause antiraciste. Cela nous permettra aussi d’opérer une interrogation méthodologique sur la pertinence du terme de « minorités visibles », à la fois trop réducteur – certaines personnes opprimées ne sont pas directement visibles – et trop large – nous proposerons de le compléter avec la notion de « minorité lisible ». À partir des spécificités du contexte français, nous proposons donc d’établir une méthodologie et un protocole de mesure du racisme institutionnel dans le champ artistique français, afin de démontrer que les musées ne sont pas situés hors du monde, mais reflètent et aggravent les inégalités et injustices sociales.

Louis Boulet est doctorant en cotutelle internationale entre l’Université du Québec à Montréal, sous la direction de Vincent Lavoie (Histoire de l’art), et l’Université de Tours, sous la direction de Laurent Gerbier (Philosophie). Sa thèse porte sur les enjeux politiques des expositions photographiques contemporaines. Il a récemment co-organisé le colloque « Les formes visuelles du collectif » à Tours et va publier récemment un ouvrage collectif sur ce sujet intitulé Groupes, Foules, Classes, Masses. Les arts visuels et le collectif, XIXe-XXIe siècle. Membre du bureau de l’ARIP, il a notamment organisé un séminaire sur les expositions de photographies en 2019 à l’INHA et co-dirige un numéro de revue intitulé La photographie au risque de l’environnement (à paraître en 2020). Titulaire du CAPES de Lettres, il est aussi enseignant au lycée (Culture artistique et visuelle), à l’Université (Culture visuelle ; Esthétique) et dans une école de Design d’intérieur (Histoire générale de l’art).

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