D.7 L’histoire du design et de la culture matérielle : une question d’archives


D.7 The History of Design and Material Culture: A Matter of Archives

Fri Oct 20 / 15:15 – 17:00 / KC 206

président·e·s / chairs /

  • Marie-Maxime de Andrade, Université du Québec à Montréal & Paris 1 — Panthéon-Sorbonne
  • Dominic Hardy, Université du Québec à Montréal

Le design, les arts décoratifs, la décoration et les arts commerciaux appartiennent à deux champs de production tridimensionnelle, soit des objets et des espaces. Or, les traces de ces types de productions sont avant tout bidimensionnelles. C’est-à-dire qu’elles sont principalement conservées dans des fonds d’archives sous forme d’images (dessins et photographies) ou de textes (critiques, publicités, etc.). Ces objets et espaces pour la plupart sont temporaires et modifiables. Difficiles à retracer, ils ont souvent été produits en série et surtout étaient intégrés à la sphère privée. Ainsi, comment faire l’histoire du design et de la culture matérielle du point de vue des archives ? Comment raconter l’histoire culturelle sans ces objets et espaces ? Dans le cadre de cette séance, nous invitons des approches diversifiées, créatives et interdisciplinaires qui interrogent l’écriture de l’histoire de ces productions esthétiques et leur apport à l’histoire culturelle et artistique.

mots clés: design, histoire matérielle, culture matérielle, archives, décoration, arts décoratifs

type de séance: table ronde bilingue (FR/AN); 6 présentations de 10 minutes et moins


Design, decorative arts, decoration and commercial arts belong to two fields of three-dimensional production: objects and spaces. However, the traces of these types of production are above all two-dimensional. That is to say, they are mainly kept in archival collections in the form of images (drawings and photographs) or texts (criticisms, advertisements, etc.). These objects and spaces for the most part are temporary and modifiable. Difficult to trace, they were often mass-produced and above all were integrated into the private sphere. So, how to make the history of design and material culture from the point of view of archives? How can cultural history be told without these objects and spaces? This roundtable brings together diverse, creative and interdisciplinary approaches that question the writing of the history of these aesthetic productions and their contribution to cultural and artistic history.

keywords: design, material history, material culture, archives, decoration, decorative arts

session type: bilingual roundtable (EN/FR); 6 presentations of 10 minutes or less

Marie-Maxime de Andrade est candidate au doctorat en histoire de l’art à l’Université du Québec à Montréal et en cotutelle à Paris 1 — Panthéon-Sorbonne. Son projet de thèse explore le rôle du grand magasin Eaton de Montréal dans la production et la promotion d’une esthétique moderne de 1925 à 1931. Ce cas d’étude retrace le développement, dès la seconde moitié des années 1920, d’une culture matérielle et visuelle moderne à Montréal issue de la consommation de masse et initiée par des créateur•rices oublié•es. Elle a publié l’article « Omer Parent : artiste-décorateur » (RACAR, 46, nº 1, 2021). Ses recherches sont financées par la Fondation Luc-d’Iberville-Moreau, en plus d’être soutenues par le FRQSC et le CRSH.

Dominic Hardy est professeur au département d’histoire de l’art de l’UQAM où il enseigne les arts visuels des territoires connus sous les noms de Québec / Canada pour la période 1600-1940. Spécialiste de l’histoire de la caricature politique au Québec (Henri Julien, Robert LaPalme, Albéric Bourgeois) il a dirigé avec Annie Gérin et Lora Senechal Carney l’ouvrage Sketches from an Unquiet Country. Canadian Graphic Satire 1840-1940 (MQUP 2018). À l’UQAM, il organise les activités du LAB-A, Laboratoire numérique des études en histoire de l’art du Québec et co-dirige, avec Édith-Anne Pageot, la revue Le Carnet. Histoires de l’art au Québec.

Anonyme, Salon au Soleil au 41, quai d’Orsay, c. 1887. Bibliothèque nationale de France, Naf. 15 037, f. 126.

Papiers Montesquiou : Archives d’une intériorité queer

  • Benoit Beaulieu, Université Concordia

Les archives du comte Robert de Montesquiou (1855-1921) se trouvent au cœur de ma proposition. Constitués de 369 volumes, dont 57 volumes consacrés à sa vie dans ses demeures, les Papiers Montesquiou réservent une place importante aux intérieurs domestiques du dandy français et comprennent notamment des photographies détaillées de ses différents intérieurs. Ses demeures ont également été décrites de manière détaillée dans ses mémoires, publiés à titre posthume.

Figure importante de la fin du XIXe siècle en France, Montesquiou ne s’est pas contenté de réaliser une existence queer à rebours de l’hétéronormativité, avec par exemple l’accent mis sur l’art et l’artificialité. Il a également documenté cette existence, qu’il a médiatisée et mémorialisée par ses archives. Plutôt qu’un repli sur soi, l’archive des intérieurs chez Montesquiou est conçue comme une stratégie queer pour défier le temps et laisser sa marque et constitue un exemple d’une figure queer ayant tenté de reprendre le contrôle de sa propre histoire.

Grâce à ses vastes archives et à l’accent mis sur ses intérieurs, l’étude des Papiers Montesquiou constitue un potentiel complexe et riche pour cette table ronde permettant d’aborder la question, encore relativement marginale, des interventions queer dans le domaine de l’histoire du design d’intérieur et notamment des recherches sur les temporalités queer. Grâce au statut privilégié qui lui a permis de constituer une archive queer, l’étude des Papiers Montesquiou offre aussi l’occasion concrète de réfléchir à la place et à la cohabitation des preuves éphémères et des preuves dites rigoureuses dans l’histoire des intérieurs.

mots clés: temporalités queer, intérieurs domestiques, décadence, éphémérité, rigueur historique

Benoit Beaulieu est présentement candidat au doctorat interuniversitaire en histoire de l’art, à l’Université Concordia. Après avoir obtenu son baccalauréat en histoire de l’art à l’UQAM, il a complété sa maîtrise en histoire de l’art à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il est récipiendaire d’une bourse d’études supérieures du Canada et d’une bourse d’études supérieures de l’Université Concordia. Ses recherches doctorales portent sur la performance de soi du dandy français Robert de Montesquiou à travers ses intérieurs et ses archives. Il s’intéresse particulièrement aux thèmes des genres et de la sexualité à la fin du XIXe siècle dans les cultures visuelles et matérielles européennes. Il a co-edité l’ouvrage The Senses in Interior Design: Sensorial Expressions and Experiences, à paraître.

Maquette de François Barbeau, L’alcade de Zalaméa (1963) de Pedro Calderon de la Barca, mise en scène de Georges Groulx, Théâtre du Rideau Vert, sur la maquette : Isabelle (Louise Marleau), photo : Roxanne Martin (Fonds François Barbeau, BAnQ).

L’archive au théâtre : comment conserver des traces du costume de scène?

  • Roxanne Martin, Collège André-Grasset

Une fois les représentations théâtrales terminées, le vêtement de scène devient alors un des signes du spectacle et de sa mémoire. Malheureusement, il est la plupart du temps modifié ou recyclé pour la production suivante. Le costume, l’objet théâtral, est donc perdu et il ne nous reste, bien souvent, que les archives bidimensionnelles comme trace de l’objet tridimensionnel.

Comment conserver et reconstituer cette mémoire du théâtre? L’art théâtral est éphémère et longtemps, au Québec, peu de choses ont été conservées. Depuis quelques années, un souci de mémoire et de conserver des traces de ce qui a été fait se constitue dans les fonds d’archives et dans certains théâtres. Je propose donc d’aborder et d’analyser les différentes traces qui nous permettent de connaître l’objet théâtral, constituées principalement à partir de dessins préliminaires, de maquettes, de photographies et de descriptions faites dans les critiques et les comptes-rendus des spectacles.

J’aborderai également les écueils que présentent ces traces bidimensionnelles, comme les maquettes qui ne correspondent pas toujours au résultat final et aux limites que représentent les photographies ou les captations, quand il y en a, qui ne permettent pas toujours de voir le costume dans son ensemble.

Je propose donc d’aborder les traces archivistiques du costume de scène et les différents écueils rencontrés, dans le désir de constituer une histoire de la mémoire de l’art éphémère qu’est le théâtre.

mots clés: théâtre, costume, archives, mémoire, histoire

Roxanne Martin est professeure de théâtre et de littérature au Collège André-Grasset (Montréal). Elle s’est attardée d’abord, dans une communication à la Société Française Shakespeare (2008) à Paris, au travail du peintre Alfred Pellan qui a été scénographe et concepteur de costumes dans deux productions de La nuit des rois de William Shakespeare (TNM, 1946 et 1968). Puis, elle a signé des textes sur sa contribution à la scénographie québécoise dans deux ouvrages, Alfred Pellan. Le rêveur éveillé (MNBAQ, 2013) et Pellan & Shakespeare : le théâtre des rois (MMAQ, 2017). De plus, elle a signé les éléments consacrés à la scénographie dans l’ouvrage Le théâtre contemporain au Québec 1945-2015 (PUM, 2020), sous la direction de Gilbert David. Dans le cadre de son doctorat, elle s’est intéressée à l’approche du vêtement de scène de François Barbeau et de sa vision du métier de concepteur de costumes (Université Laval, 2018). Elle publiera cette année une monographie sur la carrière de Barbeau (PUM, 2023).

Vues de l’exposition Granche / Atelier / Ville au Centre d’exposition de l’Université de Montréal (CEUM), 2023. Crédits photographiques : Guy L’Heureux, 2023.

Donner corps aux archives : exposer le fonds Pierre Granche

  • Laurent Vernet, Directeur, Centre d’exposition de l’Université de Montréal

L’artiste et pédagogue Pierre Granche (1948-1997), dont les recherches étaient portées par des principes architecturaux, a laissé un legs composé de quelques sculptures que l’on retrouve dans des collections publiques et privées, ainsi qu’une vingtaine d’œuvres d’art public. En raison de la nature de sa pratique, qui a pris la forme d’installations monumentales réalisées dans des matériaux précaires, ses œuvres ont le plus souvent été disséminées ou n’ont pas été conservées. Conscient de la pérennité de son travail, l’artiste a produit une documentation minutieuse qui a donné lieu au fonds Pierre Granche, offert en 2001 au Centre d’exposition de l’UdeM (CEUM) par sa succession. Alors que ce fonds comprend quelque 2,700 documents (dessins, plans, maquettes), l’UdeM est également la dépositaire des archives de l’artiste.

En 2023, l’exposition Granche / Atelier / Ville au CEUM a présenté 17 projets en lien avec la ville, dont la forme achevée est le plus souvent absente de l’exposition, qui ne comprend que deux œuvres complètes. La démarche commissariale a misé sur la présentation de documents tirés du fonds Pierre Granche et des archives de l’artiste, qui témoignent de son travail d’atelier et de ses nombreuses collaborations avec des personnes, dont plusieurs étudiantes et étudiants, issues de disciplines comme l’architecture, l’architecture de paysage, l’ingénierie et le design. En écho à ce mode de travail, la scénographie de l’exposition a été confiée à huit étudiantes, dans le cadre d’un atelier de la professeure en design et ancienne collaboratrice de Granche Marie-Josèphe Vallée.

En s’appuyant sur la théorie de l’acteur-réseau et la sociologie de la traduction, cette communication reviendra sur le processus de création de Granche / Atelier / Ville et présentera un réseau actants hétéroclites (personnes et objets) qui ont, par leurs actions et leurs interactions, contribué à donner corps aux archives et à l’exposition.

mots clés: Pierre Granche, acteur-réseau, sociologie de la traduction, installations, commissariat

Laurent Vernet est directeur du Centre d’exposition de l’Université de Montréal. Historien de l’art et urbanologue, il est titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art de l’Université Concordia et d’un doctorat en études urbaines de l’Institut national de la recherche scientifique. Il évolue depuis plus de 15 ans dans le milieu artistique et a ainsi travaillé au Bureau d’art public de la Ville de Montréal de 2009 à 2018. Ses recherches portent entre autres sur les modes de production et de réception des œuvres d’art qui se trouvent dans des espaces publics urbains. En 2023, il a été le commissaire des expositions Granche / Atelier / Ville sur le travail de Pierre Granche, présentée au CEUM, ainsi que Ouvrages, au centre d’artistes Occurrence, qui a réuni les œuvres de huit artistes du Québec, de l’Ontario et de l’Alberta dont les recherches portent sur l’architecture.

Dreaming through Marg

  • Rashmi Viswanathan, University of Hartford

In 1946, the arts and culture journal Marg was founded under the editorial leadership of writer, arts patron, and cultural critic Mulk Raj Anand (1905–2004). Dedicated to the promotion and analysis of the arts and particularly Modern architecture in its early years, Marg provided a new and impactful elite platform for the resignification of India as the site of a new Modernity, achievable through architectural and industrial development.

Departing from an expected focus on its editorial content, I argue that the publication’s advertisement archive also developed the visual character of the journal’s field of communication, linking new conceptions of private consumption and individual taste to the emergent middle class to which the journal appealed. Though receiving little scholarly attention, advertisements alongside editorial content – treated as a totality – aesthetically figure Marg’s archival imagination of a new India and its readership. Studied not as a set of editorial decisions but as a readerly experience, the periodical’s cultural encoding historicizes a key moment in the signification of planning and national development as a bourgeois aesthetic experience in early mid-century India.

keywords: advertisements, modern design, India, middle class, journal

Rashmi Viswanathan is assistant professor of modern and contemporary art history at the University of Hartford and a Smithsonian Postdoctoral Fellow. She writes on colonial-era art and its historiographies, and more recent art in and related to the Contemporary. Her research has been published in journals such as Third Text, Trans-Asia Photography Review, and Wiley Encyclopedia of Postcolonial Studies and looks at transnational formations of discourses of modern art.

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